Aux armes citoyens !

Censure en Sorbonne
Fermeture de l'université critique, violences, exclusion

En fermant l'université critique, en usant de la violence des vigiles, puis en excluant de la Sorbonne notre camarade Jean-François Raguet, l'université française qu'on vient de célébrer se ridiculise et montre qu'elle est devenue une simple annexe culturelle du néolibéralisme bien-pensant et répressif, un musée qui n'abrite plus, là où brillaient naguère tant d'esprits, que de simples gardiens peureux d'un ordre qu'ils savent désormais menacé. L'exception n'est plus la règle dans ce monde qui a tout uniformisé, jusqu'à la tête. Mais il faut dénoncer le faux consensus de la pensée zéro qui justifie tout, pourvu qu'il n'y ait pas de conséquences, et voudrait rabaisser les choix philosophiques aux conversations de salon d'une science désintéressante. C'est ce qu'on peut appeler, dans la Phénoménologie de l'esprit, "La république des lettres" ou "La tromperie mutuelle" : faire comme si le débat n'avait pas d'enjeu, exiger de chacun seulement qu'il marche droit, qu'il y mette les formes sans faire trop de bruit, les conflits comme la misère étant refoulés hors de ses murs abritant un savoir supérieur et inoffensif.

Il faut, au contraire, avec Marx (Critique de la philosophie du Droit de Hegel), pratiquer une critique radicale, c'est à dire ad hominem, pour rendre chacun responsable de ce qu'il dit écrit et fait, qu'il puisse rendre compte de sa collaboration à la misère actuelle et choisir clairement son camp. Nous devons exiger de la pensée qu'elle redevienne sérieuse, qu'elle rende compte du réel où elle se situe. C'est pour cela, bien sûr, qu'il faut rire du semblant de sérieux qui n'est qu'un servile échange de politesses et renvois d'ascenseurs où il ne s'agit, là encore, que de prendre des places. C'est comme cela qu'on va au pire.

Les conditions d'un véritable débat philosophique, en prise sur la cité, ne sont pas réunies, nous devons les conquérir et dénoncer ce qui en tient lieu, comme les pommes qui ne sont plus des pommes ou une démocratie qui n'est plus qu'une oligarchie clientéliste. On ne mesure pas combien ce détournement de la pensée des conséquences de sa pratique en affecte toute compréhension (perte du sens). La pensée la plus abstraite n'est pas isolée d'une société qui exclut le quart de sa population. Le savoir mort, qui nous abandonne à notre décomposition, a besoin de notre révolte pour reprendre sens et redevenir un savoir vivant, porteur d'humanité. Nous devons transformer la passivité devant l'économie qui nous ravage en stratégie résolue pour notre avenir, passer de l'histoire subie à l'histoire conçue. Nous ne voulons plus être des esclaves ou des existences concédées mais des partenaires et des interlocuteurs à part entière - pas seulement pour quelques uns. Les moyens existent qui nous sont refusés avec insolence.

La violence n'est pas de notre côté. Le spectacle quotidien a dévalué la violence des mots. Et la violence des mots est bien faible face à la violence du quotidien de l'ordre établi. La misère cherche ses expressions et dénonce la démission de tous, ce ne sont pas ces cris pressants qui causent la misère. En expulsant les chômeurs, la Sorbonne redouble la violence sociale qui ne peut que lui faire retour.

La violence n'est pas de notre côté et il est inadmissible qu'à une confrontation vive, mais verbale et argumentée, on réponde par des violences physiques et tout un appareil de répression disproportionné à notre intervention politique. Comment les étudiants peuvent-ils tolérer cette violence et cette intolérance de leur université qu'on croyait d'un autre temps, seront-ils complices de cet ordre moral et policier ? Halte à la répression, réouverture de l'esprit, il faut exclure l'exclusion ! Nous devons retrouver le goût de la liberté. Vite ! Et nous déclarons au nom de tous les offensés la révolution poêtarienne.

Université critique
(Université des chômeurs et fainéants)
12 juin 1998



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